Il est toujours étrange de regarder en arrière pour faire le bilan. Ce n’est pas un geste qui m’est naturel. Se retourner s’est trahir son attachement, effriter sa résolution, se laisser submerger par la nostalgie…
Ne pas se retourner, continuer à avancer, est une condition de réussite de la quête dans certains mythes, et j’avoue que c’est ce que je fais aussi le plus souvent. Mais après une année particulièrement angoissante et étrange j’avais besoin de jeter un coup d’oeil par dessus mon épaule afin de me poser quelques instants, de soulever le tapis pour voir si je n’y ais pas planqué trop de poussière et de reprendre mon souffle.
Pour se faire j’ai parcouru mon feed Instagram qui reflète mon état d’esprit à travers mes créations et la Nature qui m’entoure. Je n’y mets pas vraiment tout, mais je pense que ceux qui me connaissent, ou se laissent porter par leur intuition savent lire entre les lignes et interpréter les images au-delà de ce qu’elles veulent bien montrer au simple ‘passant’. Cependant, comme à chaque fin d’année, il est plutôt ‘drôle’ de constater que les créations et photographies qui me touchent le plus et m’ont demandé le plus de travail sont celles, au final, qui sont passées le plus inaperçues à travers le philtre des réseaux. Cela ne m’impacte pas autant qu’avant, (heureusement !), et j’essaie d’en tirer des enseignements pour que mon petit atelier puisse perdurer dans le temps.
Afin de bien voir les différences de point de vue, voici donc le ‘Best Nine 2021’….

De mon côté, voici sur quoi je suis fière de me retourner pour cette année 2021 :
Janvier
‘Winter Crone’
Cela me fait sourire de commencer la rétrospective avec cette photo alors que l’année se termine teintée de cette même énergie de ‘vieille hivernale’.
L’Hiver et les flocons m’accompagnent depuis longtemps, même si je ne le réalise vraiment qu’aujourd’hui. C’est une saison douce et tranchante, épurée et sans fard qui peut être tout à la fois magnifique et terrible, protectrice et destructrice, tout comme l’épine noire qui m’a soufflé ce travail de broderie…
Cette photo était accompagnée de ce texte :
« Je suis racine, filaments, décomposition.
Qui es tu toi ?
Je suis nocturne pique, vieille baie fripée, squelette décharné.
Je suis hiver en toute saison, car de mes fleurs tombent des flocons
Je suis le bosquet protecteur et l’attaquant pourfendeur… »
En 2022, j’espère pouvoir répondre moi aussi à cette question en suivant cette Vieille et ses pointes acérées.
Février
« Coeur de Forge »

Certainement la collection de bijoux la plus révélatrice.
Le lien avec les savoirs ancestraux a été très intense et de nombreuses informations consernant Cernunnos et le cerf au sein de la spiritualité gauloise, me sont tombées dessus, comme pour valider ma démarche et mon cheminenent.
Cette pièce qui et née en quelques instants, alors que j’étais en train de ranger ma table de travail est restée chez moi. J’ai eu beau la mettre en boutique, il a fallut que je la rappatrie à mon cou alors que quelques jours plus tard je canalisais un texte lors d’une promenade sur le Territoire. D’ailleurs, j’ai réalisé cette photo après la sortie de la collection, sous l’impulsion du texte qui était né la veille et dont je vous livre ici l’intégralité.
Toi qui n’es qu’eau et reflets, qui n’es que miroirs s’écoulant par les fossés.
Tu as soufflé sur mes cendres, espérant y découvrir les restes d’un brasier, un charbon à peine rougeoyant qui suffirait pour tout rallumer.
Se faisait, tu as ranimé les ombres, qui reposaient sagement. Tourbillonnant dans ton souffle elles se sont mises à danser telles des fantômes anthracites, jouant avec mes cordes sensibles une douloureuse mélodie faite de peur et d’abandon, d’os et de confiance brisés, du besoin grandissant d’être aimée.
Moi le centaure de feu, je ne suis plus qu’un piéton claudiquant.
Et toi qui n’es plus que milliers d’étangs, tu m’as murmuré qu’il y a longtemps tu fus brasier, métal en fusion, coup de marteau résonnant dans la forge brûlante. Et bien que les feux soient éteints depuis des siècles, l’eau vibre des coups frappés sur l’enclume et l’air embaume le charbon.
Alors moi qui ai le cœur fait du même bois brûlé, tu m’as demandé d’invoquer le Phoenix, plumes d’étincelles, regard d’incendie.
Tu m’as dit de ne compter que sur moi. Que tout était là, couvant sous les terres incendiées.
Et les fantômes de cendre ont danses plus fort, tourbillonnants, entre mes os calcinés. Ils ont valses jusqu’à m’en faire tousser et cracher un sang noir et gelé.
Ils ont valses jusqu’à m’en faire tousser et inspirer une première bouffée, soufflant sur la braise l’oxygène qu’il fallait pour la transmuter.
Aujourd’hui je suis flamme ; fragile et vacillante. Et j’écoute au bord de l’eau le chant des marteaux, recueille au bout des doigts les étincelles que tu m’envois. La route est longue jusqu’au cœur de la Forge.
La route est longue pour retrouver le centaure mais je sais aujourd’hui que je peux compter sur moi petit Phoenix brasillant dans les ruines brûlantes d’un souffle de Forge.
Mars
« Le Bosquet Noir »

L’Epine noire, encore et toujours.
Elle ne cesse de m’interpeller depuis que je suis arrivée en Brenne et pourtant je ne me suis pas encore abandonnée à ses enseignements…
Même si je sais qu’elle m’attends patiement toutes épines tendues et corolles ouvertes. Il serait peut-être temps de la laisser opérer…
Avril
« Morrigan »
Après être parti à la rencontre de la Morrigan accompagnée par Valiel Elentari et Phro-Nox, je suis revenue de la Caverne avec un travail à réaliser.
Cela a été un challenge tout du long. Lutter contre mes resistances, (« je ne brode pas ce genre de motifs habituellement », « ça ne rendra pas ce que je veux », « ce ne sera pas assez beau » « est-ce que je suis légitime à faire ça alors que je ne suis pas une spécialiste »…) ne pas abandonner, supporter l’intensité et l’exigence de la Morrigan et réaliser que les éléments du shooting venaient à moi plus facilement que je ne l’aurais espéré, se modifiant au gré de son bon vouloir.
Deux sessions photos ont été nécessaire afin de réaliser des images qui me conviennent et un petit moment pour accepter qu’il n’y avait pas besoin de plus.
Cependant je sens/sais depuis le début qu’il me manque 1 cliché dans cette série et que cette ceinture est là pour me rappeler ce qu’il reste à accomplir pour le réaliser. Une fois cela fait, peut-être rejoindra t-elle une nouvelle personne pour diffuser son énergie de Souveraineté et de Bataille.
Mai
« The Kingfisher »
Après le projet pour la Morrigan, j’ai eu besoin de reprendre les pinceaux et de finaliser cette boîte que j’avais en tête depuis plusieurs mois.
Aujourd’hui je n’en suis plus totalement satisfaite… Mais ce sont des choses qui arrivent. La création étant perpétuelle évolution, perpétuel perfectionnement, il est difficile de continuer à apprécier certaine ‘oeuvre’ quand on jette un regard en arrière.
Juin
« Cernunnos »
J’ai retardé cette création de plusieurs mois et je m’en suis un peu mordu les doigts dans un premier temps. Mais finalement, le temps passé sur la ceinture moriganienne et la peinture derrière on fait mûrir ce projet pour le faire naître le jour du Solstice d’été – ce qui était un symbole de plus dans ce travail dédié à Cernunnos.
Lors des sessions de broderie, j’ai canalisé les trois textes qui accompagnent la série de photos (que vous pouvez retrouver sur mon feed Instagram) ce qui était tout nouveau pour moi !
Ce fût un autre GROS projet, qui m’a laissé sur les rotules mais dont j’ai beaucoup appris.
Juillet
« Submersion »
Pas de temps fort créatif pour ce mois-ci.
Les pluies sont intenses, le Territoire en devient hostile.
La moisissure n’est pas loin…
Août
« Le Chant de la Ronce »
Toujours en grande conversation avec le Territoire.
La Ronce a été tellement généreuse cette année … Autant par la quantité de baies qu’elle nous a offert que dans ces chants/enseignements.
Septembre
« Equinox Witch »

Septembre n’aura pas été mon mois préféré.
C’est le mois du blocage de dos à ne plus pouvoir marcher. Alors que je me réjouissais de pouvoir célèbrer l’Equinoxe d’Automne, je me suis vue plongée dans des ombres difficiles à gérer, notemment la peur de ne plus pouvoir me déplacer, être forcée à l’immobilité, devoir s’arrêter, prendre soin de soi. Les microbes se sont joyeusement invités pour pimenter la fête me laissant dans une fatigue perpétuelle.
Octobre
« La Morelle Noire »
La Morelle Noire a été une révélation.
Elle s’est invitée dans mon jardin et a produit trois pieds giganstesques avec lesquels j’ai longuement échangé. Il en est né cette paire de mitaines que j’aime tout particulièrement et ce petit texte pour les accompagner.
« Réseau organique, énergétique.
Je pulse et délie les nœuds.
Je canalise, je dirige.
Je concentre, je fluidifie.
J’interroge les ramifications internes et montre les carrefours.
Interroges toi sans fard :
Quel est ton fonctionnement ?
Quels sont tes schémas, ton plan, ton architecture ?
Sur quelles fondations reposent-ils ?
Tu es un réseau organique, énergétique.
Interroges tes ramifications internes et offres toi les choix des carrefours. »
Novembre
« Le Lutin/Retour en enfance »
Après beaucoup de sérieux, il était temps de s’émerveiller et de retrouver mon âme d’enfant. Tirer la langue, pouffer de rire bêtement, s’émerveiller, lâcher du lest et profiter !
Je me suis beaucoup amusée à créer cette collection de Noël. D’autant plus que je me suis sentie moins fatiguée et que j’ai pu recréer ce petit atelier de Lutin lors du marché de Noël de mon village. C’était très chouette de retrouver du monde sur un évènement.
Décembre
« Black Snow »
Cette paire de mitaines a été réalisée pour le stock du marché de Noël de fin Novembre. Du coup je n’avais pas prévu de shooting particulier. Mais c’était sans compter mes promenades gelées, quand tout brille de mille cristaux de givre dans le petit Soleil du matin…
L’Hiver propose des challenge difficile à relever et exposer ma peau nue au froid et à l’objectif n’a pas été facile. Il faut ce lâcher prise si difficile à atteindre même seule dans la nature. Une fois que ma résolution a été prise j’ai su tout de suite où aller et je n’ai plus tergiversé. La concentration pour atteindre l’image que je souhaitais a aboli le froid et finalement, s’exposer ainsi aux élèments a été une belle expérience.
‘Là ou l’ombre perdure, la glace se fige en un miroir.
Regardes toi.
Contemples les angles acérés et les plis de l’eau qui se fige.
Le labyrinthe est pris par l’hiver.
Ses méandres ne renvoient qu’un écho inlassable à travers le souffle du vent qui s’engouffre entre les murs.
Qui es tu ? … qui es tu ? … Qui es tu ?
Déposes tes vêtements et montres toi telle que tu es.
Apeurée, Nue, gelée…
Rien ne pourra plus te réchauffer.
Le vent qui souffle ici laisse des traces sanglantes sur les peaux blêmes.
Quand tes larmes geleront sous tes paupières, que ton corps bleu, marbré du pourpre de tes plaies béantes demandera grâce.
Ne t’arrêtes pas, ne t’effondres pas, ne tombes pas dans la somnolence tiède.
Avances. Et pas à pas délestes toi de toi.
Traverses les feux de l’Hiver
Éprouves la brûlure du verglas
Épouses le givre et les flocons, danses avec le blizzard et retrouves ton sang de glacier millénaires.’
30 novembre 2021
Après ce dernier coup d’oeil en arrière, je peux à présent regarder vers l’horizon.
Je vous souhaite une année 2022 remplie de défis relevés et de rêves réalisés.
Bises des Etangs